Le Figaro
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Jun 27, 2024
La publicité va faire son arrivée sur le réseau social BeReal, récemment acquis par Voodoo
La licorne Voodoo n’a pas perdu de temps. Moins d’un mois après avoir racheté le réseau social français BeReal pour 500 millions d’euros, l’éditeur tricolore d’applications et de jeux pour mobile passe à l’offensive. Alors que BeReal n’a jamais été monétisé par ses fondateurs, Voodoo introduira dès cet été de la publicité dans cette application de partage de photos « authentiques », prisé des moins de 30 ans et qui revendique 40 millions d’utilisateurs mensuels. De nouvelles fonctionnalités vont aussi faire leur apparition dans les prochains mois afin d’augmenter le temps passé sur le service.
« Nous voulons amener BeReal au niveau où il doit être, avec plusieurs centaines de millions d’utilisateurs, en nous appuyant sur nos forces », déclare Aymeric Roffé, qui a été nommé à la direction générale du réseau social à la place de l’un de ses deux cofondateurs, Alexis Barreyat. Aymeric Roffé prend l’exemple de l’application américaine Musical.ly, dont la croissance stagnait avant qu’elle ne soit acquise par le chinois ByteDance. Elle est aujourd’hui connue sous le nom de TikTok .
Un premier pas
Né en 2019, BeReal (« être authentique ») a séduit la génération Z avec un concept original : une fois par jour, les utilisateurs reçoivent une notification. Ils ont alors deux minutes pour se prendre en photo avec les caméras avant et arrière du smartphone. L’application française s’est imposée comme l’anti-Instagram, connu, lui, pour ses filtres qui permettent d’embellir la réalité. Dopé par le Covid, BeReal a eu un succès rapide et retentissant, notamment aux États-Unis. « BeReal a mis le doigt sur quelque chose de fort », applaudit son nouveau directeur. Mais depuis près de deux ans, la croissance s’est essoufflée. Surtout, le réseau social ne générait pas de revenus, ce qui a amené à sa vente à Voodoo.
BeReal avait fait un premier pas vers les annonceurs en février dernier en enrôlant des célébrités et des marques - comme Puma, Adidas ou MAC Cosmetics - pour proposer à ses utilisateurs de voir leurs coulisses. Mais, pour cela, il fallait s’abonner à leurs comptes. Bientôt, ces clichés publicitaires, que Voodoo promet respectueux de l’ADN « authentique et sans filtre » de l’application, s’intercaleront entre le visionnage des photos envoyées par les amis de l’internaute. « Nous avons de premiers retours positifs des marques et des agences. Elles sont très demandeuses de nouveaux formats, les canaux traditionnels ayant moins d’impact sur la nouvelle génération », confie Aymeric Roffé.
Voodoo n’est pas novice en matière de réseaux sociaux. Spécialiste du jeu dit « hyper casual » (principes de jeu très simples et parties de moins de 5 minutes), il a engagé sa diversification dès 2018 vers d’autres marchés. Il a ainsi acquis en 2021 WeMoms, un réseau social à destination des mères de famille. Un autre réseau social, Wizz, a lui vu le jour lors d’un « hackaton » interne à Voodoo. Peu connu en France, il permet aux adolescents et jeunes étudiants de trouver des internautes de leur âge avec qui discuter en ligne. Wizz revendique 5 millions d’utilisateurs par mois dans vingt pays, les États-Unis étant son premier marché. Un quart des adolescents américains l’ont déjà téléchargé au moins une fois.
De nouvelles choses à faire
« Tester, mesurer, itérer rapidement » : Voodoo compte répliquer ses recettes « pragmatiques » qui ont permis à Wizz, mais aussi à ses jeux vidéo, de décoller à force d’ajustements constants. « Il y a des nouvelles choses sur Wizz toutes les deux semaines », souligne son directeur Thomas Donninger. De fonctionnalités inédites vont donc arriver rapidement sur BeReal, à commencer par l’envoi de vidéos prises sur le vif, et l’introduction probable d’une messagerie. Objectif, inciter les utilisateurs à multiplier les connexions quotidiennes en leur donnant de nouvelles choses à faire.
« Nous allons très vite essayer de nouvelles choses », promet Aymeric Roffé, qui entend « capitaliser sur l’expérience acquise avec Wizz ». Comme d’autres acteurs du jeu mobile, Voodoo est en effet adapte du micro-prototypage. « Nous faisons beaucoup de benchmarks, d’entretiens avec des utilisateurs pour mieux comprendre leurs usages, et de tests », explique Thomas Donninger. Voodoo modifie ainsi sans cesse ses applications auprès d’un échantillon réduit d’utilisateurs. « Nous mesurons l’impact de ces nouveautés puis décidons de les abandonner ou bien de les déployer à l’échelle. »
L’équipe regarde les tendances tous azimuts, à commencer dans l’univers du gaming où elle teste 700 nouveaux concepts par mois. Voodoo garde aussi un œil sur les innovations « made in China », comme le live shopping - elle a d’ailleurs développé son propre service. Le groupe s’intéresse aussi à la voix, devenue l’un des moyens des jeunes de rechercher de l’information ou d’interagir via des messages éphémères. BeReal, qui a jusque-là grossi via le bouche à oreille, va aussi bénéficier d’une des forces de Voodoo : l’acquisition d’utilisateurs via le marketing et la publicité.
Quelques mois après l’entrée en vigueur du Règlement européen sur les services numériques et alors que la plupart de ses rivaux (Meta, TikTok, Snapchat…) sont accusés de négligence, Voodoo sait qu’il sera aussi attendu au tournant sur la question de la sécurité des jeunes utilisateurs. « C’est le premier sujet sur lequel nous nous sommes mis au travail dès l’acquisition de BeReal », confie Thomas Donninger.
Voodoo travaille déjà avec des prestataires sur le contrôle de l’âge (avec les outils de reconnaissance faciale de Yoti) et la modération de contenu. En début d’année, Wizz a été suspendu de l’App Store et de Google Play après des soupçons sur la présence de prédateurs sexuels sur l’application. Elle est revenue en ligne quelques semaines plus tard, après un audit poussé de Google et Apple sur ses mécanismes de sécurité. « 100 % du contenu est modéré avant même sa diffusion », assure Thomas Donninger. La bataille se jouera aussi sur ce terrain-là.